Au coeur de l’été, je découvre une série culte des années 2000 : Prison break ! D’accord, la plupart d’entre vous connait probablement cette série mais pour ma part c’est bien une découverte. Chaque fois que je lis, regarde ou écoute un succès du passé, j’éprouve deux sentiments contradictoires : la frustration car je sais que je n’aurai pas assez d’une vie entière pour tout voir, tout entendre, tout lire, tout visiter ; et en même temps, l’étonnement devant la merveille de la vie car je me dis qu’il reste tant à découvrir qu’il est impossible d’éprouver la moindre lassitude devant tant de belles choses qui nous sont proposées. Mais revenons à notre sujet.
Prison break est une histoire complètement rocambolesque qui, dans sa première saison, raconte l’évasion de la prison de Fox River du héro Michael Scofield avec son frère injustement condamné à mort (rien que ça) et une bande de compagnons de prison dont le profil va du tueur en série au jeune délinquant. Pour profiter de l’univers de la série, il faut débrancher la partie rationnelle de son cerveau, se laisser bercer par le rythme trépidant des tribulations de notre héro et de ses acolytes avec un coup de théâtre tous les 1/4 d’heure. Les scénaristes ont dû finir rincés après la saison 5…
Que vient donc faire Prison break dans mes métaphores cinématographiques ?
Un élément de l’intrigue de cette saison 1 a attiré mon attention : la construction de la maquette du Taj Mahal qu’Henry Pope, le directeur de la prison, veut offrir à sa femme pour leur anniversaire de mariage. Dans Prison break, Henry Pope est l’un des rares personnages intègre, respectueux des autres mais aussi des procédures. Le type même du patron droit, sévère mais juste, le profil même du type respectable et respecté. Mais Henry Pope a une faiblesse : un objectif privé et personnel car il veut faire plaisir à sa femme en lui faisant la surprise de lui offrir cette maquette, construite sur ses propres plans.
Et c’est là que la bas blesse ! Sa construction a des défauts de conception et menace de s’effondrer à tout moment. Apprenant l’arrivée de Michaël Scofield qui est un ingénieur ingénieux des travaux-publics, Henry Pope lui demande de l’aider à consolider son édifice contre le bénéfice de quelques « avantages » de vie pour soulager sa condition de prisonnier. Rapidement, une complicité d’apparence bienveillante s’installe entre les deux personnages.
Mais Michaël Scofield va assembler, pièce par pièce, les éléments de son plan d’évasion. Le Taj Mahal est un élément clé car il va permettre de neutraliser le directeur pendant l’évasion. Evidemment, le plan fonctionne et Henry Pope sera contraint de démissionner pour avoir été mystifié et finalement avoir contribué indirectement à la fuite des prisonniers. Je n’en dirai pas plus pour laisser à chacun le plaisir de découvrir Prison break (pour les plus curieux ci-dessous deux extraits trouvés sur Youtube).
Je vois le Taj Mahal de Prison break comme une métaphore intéressante sur la gestion des priorités entre le privé et le professionnel. Dans un monde où la frontière entre les activités professionnelles et les activités personnelles et familiales est de plus en plus poreuse, pour ne pas dire fongible, cet épisode du Taj Mahal illustre bien qu’une confusion dans les priorités ou un mauvais choix peut avoir des conséquences désastreuses. Comment peut-on en arriver là ?
Quand la technologie efface la frontière entre la sphère privée et professionnelle
1978, alors étudiant, j’ai effectué mon premier job d’été dans les équipes chargées des travaux d’ordre dans une compagnie d’assurance. Beaucoup de brassage de papier à une époque où commençait seulement l’informatisation des services et l’encodage des polices d’assurance. A cette époque, les sollicitations extérieures étaient réduites aux téléphones fixes installés sur quelques bureaux de managers et de commerciaux. Puis j’ai observé, comme tout le monde, la généralisation des téléphones fixes sur l’ensemble des bureaux, l’arrivée des téléphones portables, d’internet et du mail et aujourd’hui les smartphones et les réseaux sociaux.
Ces évolutions technologiques influencent fortement la gestion de nos priorités entre notre activité professionnelle et nos affaires privées. Bien sûr des soucis graves d’ordre privé peuvent nous ronger toute la journée mais il est plus facile de les laisser au vestiaire à l’arrivée et de les reprendre en partant si rien ni personne dans la journée ne peut vous les rappeler. Cet oubli temporaire est pratiquement impossible aujourd’hui.
Nous sommes tous joignables, toute la journée, voire le soir et le week-end et souvent par plusieurs canaux, aussi bien d’ailleurs par le travail que par la famille et les amis. Cela produit une jolie confusion des situations. Des exemples ? Un convive appelé pour une urgence au travail pendant un repas de famille ; un directeur qui reçoit un sms et annonce la réussite du petit dernier à sa première année de médecine en plein Codir ; la moitié des participants d’un comité « Théodule » quelconque qui regarde son smartphone ou son ordinateur pour vérifier ses mails, son fil sur un réseau social ou pour envoyer la liste des courses à son mari.
Avec la technologie, le travail s’est invité à la maison mais en contrepartie la maison a fait irruption dans les entreprises. Et l’évolution qui arrive avec le télétravail ne va faire qu’accélérer la fusion des sphères privée et professionnelle.
Privé – Professionnel : tous poly-chroniques
Il faut se le dire : nous sommes tous devenus poly-chroniques c’est à dire capables de traiter plusieurs sujets en même temps. Je préfère presque dire que nous sommes devenus incapables de traiter de façon séquentielle les problèmes. Certains d’entre nous sont poly-chroniques par prédisposition, d’autres par nécessité. Mais le constat est là : dans un monde de l’entreprise (et même dans un monde tout court) en incessante transformation, nous devons nous adapter, et la valse des préoccupations ne fait que s’accélérer.
Nous avons en tête la préparation de la prochaine présentation à faire en CODIR, la vérification des KPI de ce projet qui sent la fumée, le week-end à Barcelone qu’il faut réserver et les courses à rapporter à la maison. Avec le digital, la tentation est grande de tout faire en même temps : envoyer le powerpoint de la V0 de sa présentation pour relecture, aller sur les tableaux de bord diffusés sur le portail des projets de l’entreprise, réserver son voyage en ligne et commander ses courses avant de passer au drive.
Cette poly-chronie est évidemment source de confusion entre sphères privée et professionnelle qui s’entremêlent intimement. Elle est aussi source de procrastination. Elle nous donne l’impression d’être continuellement sur la brèche, très occupés ! Alors qu’à y regarder de plus prêt, nous remettons souvent à plus tard des sujets car il existe un invariant : les journées ne font que 24h ! Là est le piège quand est remis à plus tard des sujets qui ne doivent souffrir aucun retard. La gestion des priorités est mise à mal par ce mouvement chaotique.
Deux bonnes pratiques pour s’en sortir dans la gestion des priorités
Si technologie et poly-chronie sont les deux mamelles qui nourrissent la fongibilité de nos sphères privée et professionnelle, la généralisation du télétravail risque d’accélérer le phénomène. Dans mon article « Télétravail : les 8 bonnes questions à vous poser pour réussir ou renoncer« , les conditions pour supporter l’arrivée du travail dans notre salon sont posées. Une fois ces conditions remplies, il faut pouvoir organiser son temps de façon autonome et responsable entre les contraintes et les objectifs privés et professionnels. Je suggère, ici, deux bonnes pratiques pour gérer ses priorités et exécuter au mieux ses activités.
Pour gérer ses priorités, la bonne vieille méthode de la « to do list » pour dresser les choses à faire qui, associée à la matrice des priorités (voir un exemple ci-dessous), permettra de dresser les actions du jour. L’originalité ici est d’y inscrire les tâches professionnelles et les tâches domestiques. Un conseil : ne pas oublier tout ce qui est récurrent dans la journée et qui n’est pas listé dans la « to do list » mais qui va prendre du temps comme aller chercher les enfants à l’école ou participer au stand-up meeting du matin…

La seconde pratique est de s’imposer des plages de concentration – idéalement une ou deux heure(s) – pour travailler exclusivement sur un sujet et diminuer ainsi les méfaits de la poly-chronie. Dans un billet assez ancien, j’ai parlé des bénéfices de ce que j’ai appelé « L’effet Voiture Tamponneuse« . Il s’agit ni plus ni moins de s’isoler mentalement afin que rien au monde n’existe d’autre que ce que vous êtes en train de réaliser. S’isoler mentalement mais aussi technologiquement en s’imposant de ne pas répondre aux sollicitations, ni se laisser aller à consulter ses messages, c’est difficile et astreignant. Néanmoins les bénéfices sont réels à organiser sa journée autour de plages d’une heure ou deux, dédiées exclusivement à une activité professionnelle ou personnelle qui demande de rester concentré. Ces plages doivent être séparées par un temps ouvert aux activités récurrentes et aux interruptions. Ce temps est aussi un moment de respiration et de décompression.
Trouver l’équilibre
Ne laissez pas la technologie vous interrompre, ne laissez pas la poly-chronie vous abrutir d’un pêle-mêle de préoccupations. Ne perdez pas, comme Henry Pope, le sens des choses, le poids des enjeux et des priorités.
Etre heureux c’est aussi trouver l’équilibre entre épanouissement professionnel et vie privée. La transformation de nos modes de vie où tout est de plus en plus interconnecté, nous imposera d’être plus attentifs à nos choix et nos modes de fonctionnement car l’objectif est bien de gagner sur les deux tableaux : privé et professionnel.
Liens vers vidéos de Prison break
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Crédit photo : prisonbreak.fandom.com
© Ecrit par Jean Méance en août 2020
Je viens de découvrir cet article : très édifiant ! Merci 🙂
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Merci 👍
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