Les quadras qui poussent vers la sortie les quinquas en appuyant le talon de leurs bottes pleines d’ambition sur la figure des trentenaires ; tout cela sous le regard cynique et amusé de sexas fatigués et sous les yeux médusés des petits jeunes (en tout cas ceux qui n’ont pas encore les codes du pouvoir en entreprise, en gros tous sauf ceux qui sortent des grandes écoles). Voilà une belle image d’Épinal de la lutte des classes d’âge.
Je vous rassure de suite ce n’est pas tout à fait la réalité même si certains peuvent s’y retrouver. Je ne suis d’ailleurs pas très client des segmentations du type les milléniums, les générations X, Y, Z, T. Je garde sûrement un mauvais souvenir d’avoir été classé dans la « Bof génération » dont Wikipédia dit qu’elle « est considérée alternativement comme perdurant de nos jours ou comme s’étant progressivement éteinte au cours des années 2000 ». Mes amis de la BofGen nous sommes « Lost in translation » !!
J’ai croisé et je croise encore tellement de « jeunes-vieux » et de « vieux-jeunes » que je reste très prudent quand il s’agit d’aborder la question de l’influence des générations notamment au travail. Je n’occulte pas les évolutions culturelles, sociologiques, technologiques qui façonnent les comportements de chacun mais les fondamentaux : être à l’heure, dire bonjour, être transparent, être engagé, respecter l’autre… traversent les siècles.
Pourtant en ce mois d’octobre 2018, deux événements m’ont poussé à m’interroger sur la question de l’influence des générations sur la société. Deux événements qui touchent aux extrêmes de la frise des générations : la démission de Gérard Collomb et le speech relayé sur le net de Carlie Weinreb pour taxer les robots.
Gérard Collomb d’abord. Voilà un animal politique dont on ne peut pas dire qu’il ne connait pas les codes de la vie publique et politique. Gagner la mairie de Lyon en tant que candidat du Parti Socialiste alors que la mairie est tenue depuis plus de 40 ans par des personnalités de Droite dont un ancien premier ministre puis, en pleine explosion de ce même Parti Socialiste, devenir, à plus de 70 ans, le pygmalion du futur Président de la République et finir nommé ministre d’Etat chargé de l’Intérieur, des succès qui démontrent flair politique, patience et science de la manœuvre. Alors quel étonnement de suivre cette sortie rocambolesque du gouvernement : annonce dans la presse sans passer par la case « prévenir son manager », cérémonie de passation avec gestes ostentatoires pour souligner le retard du premier ministre, poignée de main qui ne participera pas au réchauffement climatique, propos de départ alarmants pour « brûler la prairie » et enfin une explication peu convaincante : « (re)Gagner la ville de Lyon ».
Carlie Weinreb ensuite. « A 11 ans, elle fait figure d’enfant précoce dans le monde très sérieux de la fiscalité » (L’Obs), « une conférencière de 11 ans veut taxer les robots » (Le Figaro) et de voir mon fil LinkedIn traversé moult fois par des partages de la vidéo qui reprend son exposé. Moi ce que j’ai surtout observé c’est une gamine de 11 ans, singeant une gestuelle de consultante de grand cabinet de conseil, habillée comme une working-girl de Manhattan. En France, nous avons Benoit Hamon pour aborder ce sujet. C’est sûr ç’est disruptif !! Je trouve bien de demander aux enfants leur point de vue sur les choses de la vie mais je préfère quand c’est avec leurs mots, dans leurs univers, avec leur cœur, loin des discours appris par cœur.
Alors pourquoi relier ces deux événements ? D’un côté un vieux renard de la politique qui se comporte comme un ado impulsif faisant table rase des règles, de l’autre une gamine qui utiliserait presque les codes de l’ONU pour défendre un sujet qui devrait justement être porté par des adultes courageux, ne seraient-ce pas les deux faces d’un équilibre générationnel qui se dérègle ? N’oublions jamais que le meilleur assemblage est celui de l’expérience et de la fougue. « Pour avoir 20 d’expérience, il faut…20 ans » et « nous avons l’âge de nos artères » sont deux adages qui devraient convaincre notre chère Carlie de lâcher les codes fiscaux de temps en temps pour regarder une série sur Netflix et à notre cher Gérard de penser à passer le témoin, en forme de saucisson lyonnais, à son successeur qui gère la ville depuis plusieurs mois.
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© Ecrit par Jean Méance en octobre 2018