Ma chère Machine Learning
Pratiquement un mois après ma lettre à notre ami Big Data, me voilà en peine de t’écrire.
Que ton réveil a dû être difficile ce matin après l’audition de notre cher professeur Raoult, convoqué par les députés chargés de la commission d’enquête sur la gestion de l’épidémie du coronavirus.
Te voilà renvoyée au fond de la classe. Près du poêle, juste à côté de ton compagnon d’infortune, lui aussi mis à l’index par ce même professeur récidiviste.
Que nous dit-il ? Que « les mathématiques sont les habits des idées », que « les données chiffrées brutes sont les moins manipulables », que « tous les gens qui font des modèles projectifs sur des maladies qu’on ne connait pas sont des fous » et enfin que « la croyance aux mathématiques finie par être une religion ».
Que ces propos ont du te mortifier toi qui fait justement de l’usage des mathématiques appliquées à la donnée le cœur de ta raison d’être. Encore une fois, comme je l’ai écrit à ton ami Big data, la confusion est terrible entre l’outil et l’usage qu’on en fait.
Faire des prédictions sur des maladies inconnues est forcément un non sens puisque nous ne voyons pas bien, ni toi, ni moi, sur la base de quelles Data un tel « modèle projectif » pourrait être construit. Nous sommes d’accord que croire le contraire est donner un pouvoir quasi-mystique aux mathématiques.
Alors pourquoi cet amalgame, commencé avec la polémique sur l’article du Lancet, se poursuit aujourd’hui ? Difficile de le savoir ! Peut-être que, à l’instar de l’utilisation du clivage entre marseillais et parisiens, cela procède-t-il aussi de la pose d’un nouveau coin à bois pour faire éclater le corps médical entre médecine de terrain et médecine de salon…
Ma chère Machine Learning, je t’adresse tout mon soutien à toi et à tes amis Data Scientist. Je sais que tu ne resteras pas longtemps près du poêle car tes mérites sont déjà grands dans de nombreuses disciplines y compris la médecine même si, avouons-le, ta contribution pendant l’épisode du COVID-19 n’a pas été miraculeuse.
Mais comme à quelque chose malheur est bon, cette position publique, et largement diffusée du professeur Raoult, rappelle que l’effort de pédagogie et d’acculturation des populations aux avancées de l’Intelligence Artificielle sont encore devant nous. Son urgence s’impose pour éviter la prédiction, exprimée maladroitement par Laurent Alexandre, de l’éclatement de la société entre les « intelligents » et les « autres ». Faisant partie des autres, je me sens forcément un peu vexé. Mais comme c’est une prédiction, on peut encore ne pas la croire et surtout agir pour l’éviter !
Pour finir je te propose deux idées qui ne sont pas de moi mais que je relie ensemble pour garder mon équilibre. Je te conseille de les faire tiennes pour guider toutes les personnes qui font appel à tes services. Ces idées sont : « sans chiffres tout n’est qu’opinion » et « les chiffres sont des êtres faibles qui avouent rapidement n’importe quoi si on les torturent« .
Continues à mouliner tes calculs vectoriels, tes séries de Fourier, tes régressions linéaires. L’avenir saura reconnaître ce que tu apportes aux progrès des autres sciences et je dirai même plus : de la Science.
Amitiés.
Jean
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Crédit photo : photo prise dans la banque d’image Burst
© Ecrit par Jean Méance en juin 2020
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